ÉCLATS DE VOYAGES

Swartberg et Karoo : l’Afrique du Sud loin des sentiers battus

Afrique du Sud
A côté des cartes postales habituelles de l’Afrique du Sud, Le Cap, Table Mountain, la Garden Route ou le Kruger, il existe une autre contrée, de celles qui font vibrer le cœur des motards : le Karoo, et son joyau, le légendaire col du Swartberg.

Le Karoo : l’immensité du silence

Si Knysna et son lagon ouvert sur l’océan ne sont qu’à trois heures de route, ce semi-désert, qui couvre près d’un tiers du pays, est l’antithèse de la luxuriance côtière. Son nom, issu du khoïkhoï, signifie « pays de la soif ». En venant de l’est, la N9 déroule un paysage aride et plat, un décor minéral teinté d’ocres, où le bleu et le vert se font rares.

Ici, pas de grands circuits touristiques, mais des fermes isolées, des éoliennes rouillées pour briser la platitude du paysage et un ciel immense. L’atmosphère y est particulière. Quand le moteur s’arrête, le bruit dominant n’est autre que le silence, apaisant, enveloppant. C’est une beauté âpre, celle des grandes étendues qui nous rappellent que nous ne sommes que peu de chose au milieu de cet espace infini. Un lieu qui ne fera pas le buzz sur Instagram, mais qui procure une satisfaction profonde d’y être.

Le massif du Swartberg : la muraille sculptée

Cette chaîne de montagnes, qui fait partie du grand escarpement, sépare le Petit Karoo au sud du Grand Karoo au nord. La montagne s’élève tel un rempart de roche, sculpté par le temps. Du ciel, le regard embrasse une palette d’ocres, des ondulations qui se déploient comme un tapis étalé entre deux arêtes minérales.
Les routes pour la traverser sont rares, parfois exigeantes, elles s’y faufilent entre les murs de roche façonnés par la nature et ceux érigés par l’homme pour sécuriser le passage.

Prince Albert : l’oasis inattendue

Telle une sentinelle au pied du Swartberg, Prince Albert apparaît comme une oasis inattendue, grâce à un système d’irrigation hérité des premiers colons. Elle dégage une atmosphère hors du temps, mélange d’ambiance fifties et de style victorien, où on s’attendrait presque à voir se côtoyer 4×4 et chariot de voortrekker devant les maisons au style colonial.

C’est aussi une étape de choix pour goûter la cuisine du Karoo : gibier mariné, figues séchées, fromages de chèvre, et surtout l’agneau des plateaux, une fierté locale ; sans oublier les vins de la région – moins connus que le cœur du vignoble vers Stellenbosch – qu’il ne faudrait pas négliger.
Une bière fraîche sur une terrasse ombragée, après les heures passées sous le soleil du Klein Karoo, y prend des allures de paradis. Pour nous, c’est avant tout le point de repère vers le défi du col.

Le Swartberg Pass : plus qu’un col, un mythe

Le Swartberg Pass n’est pas une simple route de montagne. Classé au patrimoine mondial de l’UNESCO, ce col est la raison même de s’aventurer dans le Karoo. Ce tracé légendaire fut construit à la main dans les années 1880 par des centaines d’ouvriers sous les directives du célèbre ingénieur Thomas Bain, qui a érigé une route dont l’essentiel est encore là aujourd’hui.

L’ascension depuis prince Albert

Après les dernières habitations, le bitume de la route principale cède brutalement la place à une gravel road praticable. Ne vous fiez pas à son allure faussement rectiligne pour le moment, pas d’impatience, les monts qui l’enserrent cachent la suite. Elle ne vous décevra pas.

L’itinéraire s’engage dans un défilé rocheux, les virages et les épingles s’enchaînent, les vues saisissantes s’ouvrent à travers les murailles de grès, le panorama devient plus impressionnant à chaque courbe.

Au sommet

À 1583 mètres, dans un décor minéral presque lunaire, le col offre un point de vue spectaculaire tandis qu’en contrebas, la vallée du Karoo s’étend comme une mer fossilisée. Au-dessus, les pics déchiquetés du Swartberg (la « montagne noire ») dessinent une ligne de crêtes tourmentées. C’est un lieu pour contempler, pour préserver le silence, et d’où l’on peut parfois apercevoir la ligne bleue de l’océan Indien.

La descente

Côté sud, la descente vers Oudtshoorn et ses élevages d’autruches n’est pas moins impressionnante. Le ruban du tracé, assis sur les murets de maçonnerie bâtis par Bain et ses hommes, défie la gravité. Ces murs assurent la solidité de l’ouvrage depuis sa création tout en permettant l’écoulement des pluies. Pour mesurer le temps de cette traversée unique, l’expression locale est la plus juste : « Tu as la montre, moi j’ai le temps… »